LES JEUX TRADITIONNELS KABYLES ( 01 )
Chiwchiw : ciwciw
Ce sont les tout petits enfants qui jouent au jeu de « cotcot poulet », ceux qui ne parlent pas encore très bien et ne sortent pas sur la place publique pour jouer avec les autres enfants. L’enfant qui veut jouer à cotcot poulet s’adresse à sa mère, sa grand-mère ou sa grande sœur, se tient debout devant elle et lui tend ses menottes en lui disant : « Jouons à čiwčiw ! » Elle se tourne vers lui, lui prend les menottes qu’il a posées l’une sur l’autre, elle les soulève et les rabaisse tour à tour en disant :
Cot-cot poulet
Blanc de la queue
Dis-moi où tu as passé la nuit
– Dans le caniveau au froid
Prends les chevreaux
Pose les chevreaux
Dans la prairie aux fleurs
Saïd* est venu et les a cachés
Le chacal est venu et les a mangés
Frrr !* Ici la mère dit le nom de son enfant qui peut être autre que celui de Saïd. En terminant, il faut lâcher brusquement les mains de l’enfant qui, avec l’onomatopée frrr (bruissement des ailes) ne manque pas de rire aux éclats.
2. « L’un le fait cuire, l’autre le mange... »
3Ce jeu fait référence à l’histoire de l’œuf qui n’est pas mangé par celui qui l’a pondu. On y joue pour faire rire les enfants. Certains l’appellent « L’œuf de Mère-grand ». Voici comment on y joue : la mère tient la menotte de son fils avec sa main gauche ; elle lui demande de bien déplier ses cinq doigts. Elle commence alors à lui replier les doigts un par un avec sa main droite. Elle raconte, pour chaque doigt, ce qui lui est arrivé et ce qu’il a fait ; en commençant par le petit doigt, elle dit :
« Voici mon histoire à propos de l’œuf de Mère-grand :
Celui-ci l’a trouvé
Celui-ci l’a fait cuire
Celui-ci l’a écaillé
Celui-ci l’a mangé
Celui-ci a dit : Mère-grand, où est ma part ?
Et elle répond alors :
Ta part est dans une cavité
La cavité est sous l’épaule
Approche-t-en doucement, doucement...
Et voilà, guili-guili ! »
4Quand la maman commence à dire « Approche-t-en doucement, doucement », elle déplace ses doigts sur le petit bras de son enfant ; cela chatouille l’enfant qui rit et quand elle arrive près de l’épaule, elle le chatouille sous l’aisselle ; alors l’enfant éclate de rire et rit jusqu’à ce qu’elle le lâche.
5Si la maman veut le chatouiller dans le cou, à la question : « Mère-grand, où est ma part ? », elle répond :
« Ta part est posée dans la louche
Un rat est venu et l’a emportée
Il s’est sauvé jusqu’au toit et l’a posée
Le voilà, le voilà dans la poutre maîtresse, oh il l’a emportée ! »
6Quand l’enfant lève sa petite tête pour regarder (vers la poutre maîtresse du toit), la maman le chatouille dans le cou.
3. Ḥǧelǧel ou « La main du dessus »
7Pour jouer à ḥǧelǧel, les enfants se réunissent à quatre ou cinq et s’assoient en cercle et posent leurs mains sur le sol. Puis ils s’adressent à l’un d’entre eux qui sait bien parler. Il lève la main droite, commence par lui-même en posant l’index sur sa main gauche ; il la soulève et la pose sur la main la plus proche de lui. Il avance ainsi jusqu’à ce qu’il ait fait le tour de toutes les mains de ses camarades. Mais sur chaque main, il doit dire une parole. Personne ne retire sa main tant qu’il n’a pas dit de l’enlever.
8Voici les paroles que l’on dit, du début à la fin du jeu ; quand on en arrive au dernier (celui qui n’a pas pu retirer sa main), les enfants font alors sur lui « la main du dessus ».
Ya ḥǧelǧel Ô ḥǧelǧel
ya mǧelǧel Ô mǧelǧel
Ya γurabi Ô γurabi
ya mselsel Ô enchaîné
Tisekk°rin Les perdrix
n Bu-Saleḥ de Bu-Salah
Crurdent, sautillent à petits pas
ḥrurdent avancent à petits pas
Ya εemm-i Ô oncle
Bel-Yaziḍ Poulet
Awi-d tallumt mène-nous un tamis
a nssiff pour tamiser (le couscous)
I tmeγra pour la fête
Ucreqraq du Brillant
Ubreqraq ! Fulgurant
Ay ageṭṭum Ô plant
n_leḥbeq de basilic
A bab n_wa Ô propriétaire de cette main
Kkes wa ôte-la !
[Les premiers vers semblent être en arabe dialectal.]
9Celui sur la main duquel tombe la phrase « Ôte-la ! » doit enlever sa main. Celui qui parle continue ainsi sur toutes les mains restantes jusqu’à ce qu’elles soient toutes retirées. Celui qui reste en dernier doit s’incliner au milieu des autres qui posent alors leurs mains sur son dos, l’une sur l’autre, de façon à ce qu’il ne puisse reconnaître les mains. Alors, on s’adresse à lui et on lui :
– « À qui est la main du dessus ? »
S’il devine à qui est la main, c’est bien pour lui, sinon, les autres enfants soulèvent leurs mains tous ensembles, le plus haut possible et les laissent retomber brutalement sur son dos. On continue ainsi le jeu cinq fois. Puis, on recommence comme la première fois. Lorsque celui qui est penché devine à qui est la main du dessus, ils échangent leurs places (le propriétaire de la main prend la place de celui qui est penché).
Quand celui qui est penché n’est pas très aimé, même s’il trouve à qui est la main, on ne lui dit pas qu’il est tombé juste pour qu’ils puissent le frapper les cinq fois maximum ! C’est pour cela qu’il existe une expression qui dit à propos de quelqu’un à qui l’on s’en prend en groupe de façon injuste pour lui faire du tort : « ils vont lui faire la main du dessus », c’est-à-dire qu’on se rassemble contre quelqu’un pour lui nuire.
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